Bourgogne : Robespierre s’invite dans le débat des municipales...

C’est le dernier coup d’éclat de notre ami Amaury Guitard. Originaire de Montceau-les-Mines, ce dijonnais avait envoyé en 2012 une lettre au maire de cette commune de Saône & Loire pour lui demander solennellement de débaptiser l’une des principales artères de la ville : la rue Robespierre. Sa demande avait été formellement rejetée.


En Bourgogne, Robespierre s’invite dans le débat des municipales...

Fin février 2014, en pleine campagne des élections municipales, ce jeune historien de vingt-quatre ans a pris son courage a deux mains, et a réitéré sa demande dans une lettre ouverte adressée cette fois à toutes les candidats, déclenchant par là-même un véritable buzz médiatique...
Jamais la Bourgogne n’aura autant entendu parler du génocide vendéen que ces derniers jours.
Décryptage de cet épisode qui a défrayé la chronique...

Une lettre ouverte....

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En envoyant son courrier à chaque tête de liste des différents partis en lice pour l’élection municipale de Montceau-les-Mines, Amaury Guitard avait bien conscience de s’attaquer à un sujet clivant, polémique : le mythe Robespierre.

Fort des documents d’archives qu’il a cherchés pour la rédaction de son ouvrage à paraître l’année prochaine sur la guerre de Vendée, Amaury a compté attirer l’attention des politiques sur le « carnage et les horreurs commises en Vendée par les troupes républicaines, et principalement par les tristement célèbres ‘’Colonnes Infernales’’, commandées par le général Turreau, et qui avaient pour mission « de faire de cette contrée un désert » et « d’éradiquer cette race rebelle et impure du sol de la liberté ». »

Expliquant :

« Fait encore plus incroyable : cette effroyable répression, fondée sur des critères raciaux, a été dirigée à
l’encontre de toutes les populations civiles, que celles-ci soient favorables ou non à la Révolution de 1789,
sans aucune distinction, ni de sexe, ni d’âge, ni d’opinion politique.
C’est en Vendée que l’on a inauguré avec méthode et planification, des moyens d’extermination qui
dépassent l’entendement : épuration par mutilation sexuelle, gazages, fours crématoires, camps
d’extermination, noyades individuelles et collectives dans la Loire, tanneries de peaux humaines.... avec
un bilan humain qui, selon les dernières estimations, avancent le chiffre de 120 000 personnes massacrées.
Les mots employés dans les archives que j’ai rassemblées sont effarants, et ne sont pas sans rappeler
d’autres pages aussi sombres de notre récente histoire : on parle « d’épuration révolutionnaire », de
« race maudite, impropre », de « souillure de la France »

Dans ce courrier, Amaury ajoute :

« Bien qu’aujourd’hui il est vrai, le terme de « génocide » [déjà démontré par plusieurs historiens, malheureusement trop peu nombreux a ce jour ] pour ce qui concerne la Vendée fasse polémique,
toutes les sources s’accordent à dire que ce que Babeuf qualifiait de « populicide » au lendemain des
événements, correspond exactement à la définition du génocide, telle que l’a conçue et théorisée le juriste
polonais Raphaël Lemkin en 1943.
Cinquante ans plus tard, en 1993, lors de sa venue en Vendée, l’éminent écrivain russe Alexandre
Soljenitsyne a confirmé l’existence de ce génocide, ajoutant même que « c’est en Vendée que tout a
commencé ». Des propos récemment confirmés en 2013 par Lech Walesa, au cours de son séjour en
France. »

Après avoir détaillé dans les grandes lignes les enjeux de cette effroyable répression, Amaury Guitard en vient aux faits :

« Je suis originaire de Montceau-les-Mines,une ville où j’ai passé les dix-huit premières années de ma vie.
Même si jusqu’alors, constater que la commune possède une « rue Robespierre », ne m’avait pas particulièrement dérangé, je ne puis, et vous le comprendrez, regarder cela du même oeil à présent...
Riche des recherches que j’ai menées et des documents que j’ai collectés, je trouve que baptiser une rue du nom d’un criminel contre l’humanité est une réelle insulte et une offense, non-seulement à tous les disparus, mais aussi à tous les français.
Robespierre étant un révolutionnaire sanguinaire qui a ordonné l’extermination, au nom du peuple français, d’une partie de ce même peuple, ceci est tout bonnement intolérable et blessant. Pire, ces atrocités n’ont pas seulement été commises en Vendée, mais partout en France.
Le fait d’honorer le nom même de ce criminel sur le sol de la République Française (par des rues ou même
des établissements scolaires) est inconcevable »

« C’est pourquoi, Madame/Monsieur, en tant que fervent démocrate attaché aux valeurs de la République, je vous demande solennellement , si vous êtes élu(e), d’user de votre autorité politique et morale pour effacer cette tâche intolérable d’une des principales artères de notre ville. Quitte à honorer de grands hommes de la Révolution, il serait de meilleur aloi de choisir des personnages aux mains moins tâchées de sang, tels que Mirabeau, La Fayette ou Condorcet.
Notre Ve République actuelle n’a absolument rien à voir avec la toute première, et en reconnaissant ses erreurs, la République Française, loin d’être dévalorisée, s’en trouverait grandie, car capable d’avoir un regard critique sur sa propre histoire »

TF Amaury Guitard.pdf  (480.56 Ko)


Il termine enfin :

« En 2012, j’avais déjà manifesté la même demande à Monsieur Mathus, le maire sortant. L’édile avait alors botté en touche, préférant se ranger derrière « la thèse communément admise » des grands historiens marxistes comme Mathiez ou Soboul . Il ajoutait « qu’écrire l’Histoire n’est pas le rôle des élus de la République » .
Je ne lui en demandais pas autant : il s’agissait seulement de reconnaître qu’attribuer à une rue le nom d’un individu couvert de sang peut légitimement troubler tous ceux qui ont dépassé la mythologie révolutionnaire pour se confronter à la réalité des faits.
Mais comme il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, Montceau-les-Mines avait donc conservé cette souillure au prétexte, selon les dires de Monsieur Mathus, que des « milliers d’autres communes de notre pays » en font autant...
En réalité, elles ne sont que 200 sur 37.000 (soit 0,5% des communes françaises).
Comme quoi, tout le monde n’est pas l’esclave des légendes révolutionnaires...
A l’heure où le devoir de mémoire est si souvent mis en avant par bon nombre de nos contemporains, il en est un autre - celui de la Vérité – qui est tout aussi important et qui constitue sans nul doute le premier des Droits de l’Homme.
De grâce, à l’avenir, ôtez le nom infamant de Robespierre, qui est une offense à la mémoire de tous ces disparus. Un tel geste sera à coup sûr apprécié par un très grand nombre de vos concitoyens qui, comme moi, condamnent de telles bavures administratives, et qui verront cela comme une preuve irréfutable de votre attachement à la justice et à la fraternité.
Dans l’attente de la publication de mon ouvrage, je tiens à votre disposition l’intégralité des copies d’archives et des références que j’ai en ma possession.
C’est sur cette requête impérieuse et essentielle pour la mémoire historique que je conclus ma lettre.
En vous remerciant par avance, je vous prie de croire, Madame/ Monsieur, à l’assurance de ma très
haute considération et à ma gratitude la plus sincère. »

Sitôt reçue par les candidats, cette lettre a tout de suite été médiatisée via internet ( ), et le Journal de Saône & Loire de publier le même jour sur son site web : « Un montcellien veut débaptiser la rue Robespierre ».
Après qu’Amaury ait donné une interview à ce quotidien pour expliquer sa démarche, ce même journal lui consacrait une pleine page le Dimanche 2 Mars, intitulant cette tribune historique : « Rébellion contre Robespierre ».
L’article, assorti des diverses réactions des candidats à cette lettre, a été promu dans tout l’ouest de la Saône & Loire via des affiches placardées chez chaque distributeur de journaux : « Robespierre : un nom de rue qui fait débat »

Chose assez remarquable pour être soulignée, l’article du JSL aborde de long en large la question du génocide vendéen, mentionnant à la fois les décrets d’anéantissement et d’extermination, les noyades de Nantes, les mariages républicains, les incendies en Vendée, les méthodes employées, la déportation et les massacre des populations... Et tutti quanti.
Grâce à la persévérance de ce jeune homme résolument déterminé à se faire entendre, la froide réalité des exactions commises au nom de la République en Vendée éclatait au grand jour dans la presse locale.

Intéressée par ce geste courageux, la radio Nostalgie diffusait quelques jours plus tard une interview dans laquelle A.Guitard expliquait une fois encore le pourquoi de cette lettre.

… qui n’est pas du goût de tout le monde.

A peine la lettre était-elle médiatisée sur le site Montceau News qu’une poignée de détracteurs montaient déjà au créneau pour clamer leur révolte.
A leurs yeux, Amaury avait dépassé les limites de l’acceptable, et avait commis là un crime de lèse-majesté, pour avoir franchi le « périmètre sanitaire » en vigueur depuis 220 ans autour de la Révolution Française, ce grand mythe sanctifié, magnifié, et donc intouchable . Car comme chacun le sait, l’histoire de la Révolution, c’est chasse gardée !
Tout comme Amaury Guitard, de nombreux autres historiens ont pu s’en rendre compte à leurs dépens par le passé.

En envoyant cette lettre qu’il avoue lui-même être « brûlante, décapante et dérangeante », le jeune historien avait bien conscience de mettre un coup de pied dans la fourmilière. Et de ce fait, parce qu’il avait vexé les gardiens de la mémoire robespierriste, tous les coups-bas devinrent soudain permis. Alors, les loups sortirent une nouvelle fois de leur tanière.
On chercha à le décrédibiliser, à le diaboliser, lui qui, étant professeur d’espagnol, ne pouvait être en même temps historien.
On a dit que ses recherches n’étaient pas sérieuses, et que quand bien même elles le seraient, elles étaient partisanes, et très orientées. Aux archives scrupuleusement référencées par A.Guitard, un citoyen lambda affûte une contre-attaque virulente en revendiquant ouvertement s’être aidé de..... Wikipédia. Bel exemple de recherche historique !
Un militant communiste fait publier sur le net une lettre incendiaire. On présente Amaury Guitard comme infréquentable. On lui invente des appartenances à des milieux obscurs, bien entendu extrémistes, monarchistes, intégristes, et tout le tintouin.
Pire, on argue qu’en citant Soljenitsyne dans sa lettre, Amaury cautionne les propos d’un écrivain qui serait notoirement connu pour être antisémite. De même, en faisant référence à Lech Walesa lors de son séjour en Vendée en 2013, Amaury approuverait les paroles homophobes et racistes de ce grand personnage politique.
Bref, en deux mots, si la guillotine était encore en place, cela ferait bien longtemps que sa tête aurait été coupée puis promenée au bout d’une pique, comme savaient si bien le faire les sans-culottes de 1793 !

« Cachez ce génocide que je ne saurais voir ! »

La virulence des réactions tenues à son égard prouvent que les vérités rappelées par A.Guitard ne sont pas du goût de tout le monde. Circulez, il n’y a rien à voir !

Les réponses des quatre têtes de listes auxquelles Amaury a envoyé sa lettre sont contrastées : le maire sortant se défile une fois encore en répétant mot pour mot ce qu’il avait déjà dit il y a deux ans, à savoir : « le rôle des élus n’est pas d’écrire l’Histoire ». Le candidat du Front de Gauche, Mr Gillot, argumente, tiède et indécis, « nous ne pouvons pas juger ». Seuls les candidats UMP, et Front National, en les personnes de Mme Jarrot et de Mr Noirot, ont respectivement promis d’y « réfléchir collectivement » et de « rencontrer le jeune historien ».

Comme Amaury aime à le rappeler : « A en croire les critiques d’hier et d’aujourd’hui, les dizaines de milliers de Vendéens qui ont péri sous la Révolution sont morts tout seuls. Personne n’a jamais assassiné, personne n’a jamais exécuté, personne n’a jamais exterminé. Mais si l’on regarde les archives mises au jour depuis plusieurs années, le seul problème, c’est que tout le monde a signé... »

Etrange paradoxe en effet !
Vendredi 14 Mars 2014
Pierre-Michel Cohen
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