De la morale révolutionnaire : l’exemple de Pierre Chaux

La commémoration des Noyades de Nantes, dimanche prochain, met en lumière les crimes auxquels les révolutionnaires se sont livrés. L’exemple de Pierre Chaux, membre du Comité révolutionnaire de la ville, permet à ce propos d'appréhender la moralité de ces hommes auxquels la République avait confié le redoutable pouvoir de disposer de la liberté, des biens, et même de la vie de leurs concitoyens.


Originaire de Nantes, Pierre Chaux avait environ 36 ans quand éclata la Révolution. Incapable de réussir dans le commerce – ce qui le conduisit par deux fois à la faillite – il vit dans les événements de 1789 le moyen de prendre sa revanche. Il avait pour cela une faconde qui donnait en ce temps-là de la considération aux bavards. Ce talent lui conféra de l’importance dans les clubs de la ville. Il avait aussi de l’intelligence, s’effaçant derrière son complice Goullin pour esquiver la responsabilité des crimes du Comité révolutionnaire de Nantes, tout en conservant les bonnes grâces de Carrier.

Carrier
Bien que ruiné par ses précédentes affaires, Chaux parvint à se rendre acquéreur de plusieurs biens nationaux : la propriété de la Roche à Doulon, achetée le 23 février 1791 pour la coquette somme de 32.000 francs ; la maison des Sacristes de Saint-Pierre, le 10 juin 1791, pour 13.700 livres, et bien d’autres encore, jusqu’au début de l’année 1794, sans qu’on sût vraiment d’où venait l’argent.

Entré au Comité révolutionnaire le 11 octobre 1793, Chaux mit en outre la main sur une maison de campagne à Orvault, la Barossière, propriété confisquée à un émigré, qu’il occupa comme si elle lui eût appartenu. Il se fit même confier par l’Administration des Domaines nationaux la garde du mobilier.

Revenons à présent à sa propriété de la Roche. Le chemin qui y conduisait était en mauvais état. Chaux se voulait bon administrateur de ses biens et bon révolutionnaire : il entreprit par conséquent de faire réparer ledit chemin avec l’argent d’autrui. Il fit signer une pétition par les membres du Comité révolutionnaire pour contraindre la municipalité de Nantes de donner l’ordre, le 9 mars 1794, d’engager les travaux nécessaires. Pour les financer, Chaux n’eut pas de mal à trouver des « souscripteurs » qui espéraient ainsi sauver leur vie ou leur liberté. Cette façon d’agir fut très profitable à ses toutes affaires, pour lesquelles il ne s’embarrassait pas de régler ce qu’il achetait.

Le Bouffay sous la Terreur
A-t-il rendu des comptes pour tous ses agissements ? Sur sa complicité dans les crimes des membres du Comité révolutionnaire de Nantes, il comparut au procès, mais finalement fut mis en liberté grâce à l’amnistie du 26 octobre 1795. Sur ses opérations de biens nationaux, il reconnut lui-même qu’il n’en avait rien payé, ce qui ne l’empêcha pas de conserver sa « propriété » de la Roche, et son chemin.

D’autre part, il sut faire de la dépréciation des assignats une petite spéculation qui lui réussit, sur les 10.000 livres qu’il avait perçues comme frais de mission pour son voyage à Paris en juin-juillet 1793. Après de longs pourparlers avec l’administration du Département, il finit par s’en acquitter en 1796… pour un seul louis.

Chaux ne fit plus parler de lui après la Révolution. Il passa les dernières années de sa vie dans sa « propriété » de la Roche, à Doulon près de Nantes. Il mourut seul, vaincu par la maladie, le 26 novembre 1817. C’était, jour pour jour, l’anniversaire de la signature par le Comité révolutionnaire du fameux arrêté du 6 frimaire an II, qui réglait les conditions barbares de l’envoi à Paris des 132 Nantais, l’un des actes odieux auxquels Chaux avait pris la plus grande part, et qui provoqua la chute des terroristes nantais.

A lire sur Pierre Chaux : Alfred Lallié, Etudes sur la Terreur à Nantes, volume 1, Cholet, Pays & Terroirs, 2008, pp. 105-118.
Jeudi 17 Novembre 2011
La rédaction
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