Le Pont-Barré, porte de la Vendée Militaire

Le voyageur qui franchit aujourd’hui le Layon entre Angers et Cholet l’ignore complètement, surtout depuis l’aménagement du viaduc de l’A87. On le distingue à peine, en contrebas, même en passant par la nationale. Il est pourtant là, toujours debout, ce fameux Pont-Barré, vieux témoin de la Vendée de 93 dont il garde la frontière…


Le Pont-Barré et la Croix du Souvenir Vendéen
En fait de frontière, la Vendée Militaire étendait ses limites bien au-delà, jusqu’aux portes des Ponts-de-Cé. Mais s’assurer le contrôle du territoire entre la Corniche angevine et la vallée de l’Aubance restait périlleux. Aussi la ligne de défense des Vendéens sur ce front se fixa-t-elle sur cette tranchée naturelle que creuse le Layon, et sur son principal point de passage, « le Pont-Barré ».

La Croix du Souvenir Vendéen
Construit au XIIIe siècle pour ses parties les plus anciennes, cet ouvrage qui doit son nom au poste de gabelle qui en fermait jadis l’accès, fut modifié en 1776 lors de l’aménagement du « canal de Monsieur » (en hommage au frère de Louis XVI, qui détenait l’apanage de l’Anjou) destiné à rendre le Layon navigable. Dix-sept ans plus tard, le Pont-Barré entrait dans l’Histoire comme théâtre d’une grande bataille.

En septembre 1793, les armées républicaines sont parvenues à mettre en place une inexorable tenaille autour des Mauges, le cœur de la Vendée insurgée. Du côté d’Angers, l’offensive est assurée par les 15.000 hommes commandés par le général Duhoux, venus établir leur bivouac sur les hauteurs de Beaulieu.

Face à eux, le Layon offre trois passages : le Pont-Barré sur la route principale, le pont de Bézigon en aval et le pont des Planches en amont. L’autre rive est défendue par 3.000 Vendéens des divisions de Chemillé et de la Loire, avec à leur tête le chevalier Duhoux, neveu du général républicain qu’il va affronter, Sébastien Cady, officier et chirurgien de Saint-Laurent-de-la-Plaine, et le chevalier Henri de La Sorinière, originaire de Chemillé.

La plaque du Souvenir Vendéen (20 septembre 1981)
Cinq fois moins nombreux que leurs adversaires, les Vendéens sont contraints d’abandonner les ponts au soir du 17 septembre. La route est libre pour les républicains qui envoient une colonne sur le bourg de Saint-Lambert. N’y trouvant âme qui vive, les Bleus poussent plus loin vers La Jumellière, mettent le feu aux maisons et tuent quatre-vingts personnes, hommes et femmes, tombées entre leurs mains.

Cette journée du 18 septembre n’a en revanche pas été heureuse pour le général Santerre à qui a été confié une offensive plus au sud, sur la route de Saumur à Cholet. Les Vendéens commandés par Piron ont taillé ses hommes en pièces à hauteur de Coron, et s’apprêtent à présent à porter secours à leurs camarades du côté de Chemillé.

Carte de la bataille du Pont-Barré (19 septembre 1793)
Apprenant la nouvelle, les Bleus de Duhoux ont battu en retraite en désordre vers la rive droite du Layon. Dans la précipitation, certains s’y sont même noyés. Maintenant remis de leur frayeur et se croyant solidement retranchés, les républicains se tiennent sur la défensive.

Les deux armées cantonnées de part et d’autre de la rivière entament le combat le 19, en fin de matinée, par une canonnade sans conséquence. Pendant ce temps, Joseph Bernier, un meunier de Saint-Lambert, s’est aperçu que le pont de Bézigon n’est pas gardé et que les Bleus se sont contentés d’en retirer les planches. Il traverse donc le Layon à la nage avec quelques cavaliers, rétablit le passage que franchissent sans attendre trois cents Vendéens [n°2 sur la carte]. Pauvert, de Chanzeaux, mène la même opération avec une centaine d’hommes aux Planches, en contrebas de Beaulieu [n°4].

L'histoire du Pont-Barré, les arches du nouveau pont et le coteau à l'arrière-plan
Les deux têtes de pont se lancent aussitôt sur les flancs des Bleus. Si les moins téméraires d'entre eux se replient tant bien que mal sur les hauteurs, deux bataillons tiennent toujours bon au Pont-Barré. C’est à ce moment que le gros des troupes vendéennes, dirigées par La Sorinière et Cady, lance l'attaque sur la route principale [n°1], avançant sous la mitraille jusqu’à submerger l’artillerie ennemie.

Les républicains sont écrasés sur le coteau, mais leur défaite n’est pas achevée. Une nouvelle colonne de Vendéens, cinq cents hommes commandés par Duhoux, qui ont passé le Layon près du village de Chaume [n°3], surprend en effet les fuyards depuis la route de Rochefort à Beaulieu. Parmi eux se trouve la redoutable Renée Bordereau qui sabrera ce jour-là une vingtaine de Bleus. Elle en cassera même son sabre, sur la tête du dernier qu’elle aura poursuivi jusqu’aux Ponts-de-Cé.

L'obélisque
Assaillis de toutes parts, les Bleus qui ont échappé au désastre se débandent dans une indescriptible pagaille. Beaucoup mourront dans cette retraite, les uns de fatigue, d’autres sous les sabots de leurs propres cavaliers. L’armée de Duhoux (le général républicain) a perdu les deux tiers de ses effectifs dans cette journée du 19 septembre, sans compter l’artillerie, les fusils, les chariots de pain, etc.

Cette bataille fut d’autant plus retentissante que le même jour, à Torfou, les Vendéens ont mis en déroute l’armée de Mayence, la meilleure d’Europe, qui formait la principale attaque dans le mouvement de tenaille sur les Mauges. Coron, Torfou et le Pont-Barré, trois victoires qui sauvèrent pour un mois encore ce dernier noyau de liberté.

Le vieux Pont-Barré a été restauré, même s’il ne sert plus à la circulation, puisqu’un nouvel ouvrage parallèle l’a doublé en 1838. Une croix a été érigée en son centre par le Souvenir Vendéen en 1981 pour indiquer qu’« ici commence le pays des géants ». Une autre plaque apposée sur le parapet évoque la bataille du 19 septembre 1793. Enfin, on trouve sur les hauteurs du coteau, sur un vieux chemin qui longe la route nationale, un obélisque de tuffeau élevé en 1993 pour marquer cette frontière de la Vendée Militaire.


Samedi 7 Avril 2012
La rédaction
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