Mardi 25 décembre 1792, le Testament de Louis XVI

Le « Journal d'un bourgeois de Paris sous la Terreur » évoque, dans son chapitre II, la publication du Testament de Louis XVI et la façon outrancière dont les révolutionnaires ont calomnié ce texte. En voici l'extrait :


Charles Benazech, Adieux de Louis XVI à sa famille au Temple, Janvier 1793
Le mardi 25 décembre [1792], jour de la fête de Noël et veille de la comparution définitive de Louis XVII devant la Convention, le roi a écrit son Testament, et en a remis un duplicata à M. de Malesherbes, qui a pu le faire passer à sa destination hors de France.

M. de Malesherbes en avait fait plusieurs copies, si bien que, dans la matinée du 22 janvier, l’une d’elles a pu paraître sous ce titre : Testament de Louis XVI, précédé des détails sur tout ce qui s’est passé avant et après l’exécution. Ce même jour, Etienne Feuillant, le courageux rédacteur du Journal du Soir, qui avait, de son côté, reçu communication de l’une de ces copies, s’est empressé de la publier. La Commune de Paris, dépositaire de l’original, voyant qu’elle ne pouvait plus le tenir secret, s’est alors résignée à le faire imprimer comme un témoignage du fanatisme et des crimes du tyran.

J’ai relu ce matin ces pages sublimes où la vertu du meilleur des rois rayonne d’un éclat immortel. Je suis sorti ensuite pour aller aux nouvelles, et j’ai acheté un assez grand nombre de journaux. Presque tous s’occupent du Testament de Louis XVI.

Henri Pierre Danloux, Louis XVI au Temple
Comprenant, sans doute, que ce témoignage d’une âme si clémente et si chrétienne, cette bonté, cette tendresse, ce pardon surhumain, pèseront à jamais sur les régicides comme la plus terrible et la plus ineffaçable des malédictions, les feuilles républicaines insultent, avec un redoublement de rage, à la mémoire de Louis XVI. Les journaux brissotins ne sont guère moins violents que ceux de la Montagne. C’est aux premiers que j’emprunte les extraits suivants :

« Il est inutile, écrit le Moniteur, d’en dire davantage sur ce testament où brille toute l’hypocrisie d’un dévot, toute la superstition d’un esprit faible, toute l’incorrigibilité d’un roi. »

« Cette pièce, dit Carra, député de Seine-et-Oise, dans ses Annales patriotiques, est un chef-d’œuvre d’hypocrisie ou de superstition ; elle rappelle les baisers que Louis XI donnait à sa petite bonne Vierge de plomb : on sait que, pour être dévot, il n’en était pas moins tyran. La dévotion, surtout chez les rois, s’allie fort bien avec tous les crimes. »

« Nos neveux, dit le Bulletin des Amis de la vérité, verront, dans cette pièce, à quel point une éducation mal dirigée et des prêtres fanatiques avaient égaré la raison de Louis Capet. »

Jean-Jacques Hauer, La confession de Louis XVI par l'abbé Edgeworth
Quant à Brissot, voici ce qu’il écrit dans son journal, le Patriote français : « Cette pièce est authentique, elle a été remise à la Commune par les commissaires du Temple. Le style entièrement contre-révolutionnaire de cette pièce est un démenti formel que Louis a donné lui-même à toutes ses démarches prétendues constitutionnelles. Si ses partisans appellent de son jugement au tribunal de l’Europe ou à celui de la postérité, nous demandons que ce testament soit la première pièce du procès. »

Tandis que je lisais ces gazettes au jardin de l’Égalité, un enfant criait et vendait : Les Crimes de Louis XVI.

Je suis sorti du jardin, le rouge au front, le désespoir au cœur, me demandant si la France était morte, la vraie France, la France de saint Louis. Je ne puis pas, je ne veux le croire. Que Brissot et Marat barbouillent leurs papiers, que Robespierre et Vergniaud débitent leurs harangues, Dieu ne permettra pas que la France périsse, tant qu’il y aura, au fond de nos sauvages campagnes et jusque dans les rues de Paris, d’humbles chrétiennes, de pauvres femmes du peuple, comme cette fruitière qui tient, au rez-de-chaussée de ma maison, une petite boutique de denrées, et qui, ce soir, au moment où je rentrais, m’a appelé, et, tirant de sa poche une feuille grossièrement imprimée : « Tenez, Monsieur, m’a-t-elle dit, voilà le Testament de Louis XVI ! »

Journal d’un bourgeois de Paris pendant la Terreur, t. II, chapitre II, pp. 21-24.

Je pardonne… Le Testament de Louis XVI et de Marie-Antoinette, suivi d'un épisode sous la Terreur d'après Honoré de Balzac, 64 pages, 12 euros.
Vendredi 23 Décembre 2011
La rédaction
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