« Mort par les républiquains », Chavagnes, 23 février 1794

La déroute infligée aux Colonnes infernales à Chauché, le 2 février 1794, a ressoudé les Vendéens ulcérés par les exactions des Bleus. Mais elle a également accru la fureur des soldats républicains qui vont semer l’épouvante dans cette partie du Bocage pendant de longs mois.


Les soldats républicains arrivaient des Brouzils, où ils avaient fait, le 22 février 1794, 102 victimes, dont 14 enfants de moins de dix ans. Le lendemain matin, leur colonne se dirige en deux bandes vers Chavagnes-en-Paillers. La première passe par Benaston. La plupart des habitants ont fui. Cependant les Bleus ont arrêté un homme à qui ils ont ordonné d’abattre la croix du village. Pensant sauver sa vie, le malheureux obéit à l’ordre sacrilège, et reçoit en récompense une décharge dans le dos. Le village est alors brûlé, ainsi que la Robertière. Non loin de là, à l’Anjouinière, les soldats surprennent une douzaine de femmes qui revenaient de la messe de l’abbé Remaud à la Trottinière. Ils les alignent dans une aire et les fusillent toutes. A la Prilliaire, c’est un vieillard de 78 ans, Jean Gilbert, qui fait les frais de leur fureur.
Carte des lieux cités dans le texte

La seconde bande se jette quant à elle sur les villages de la Baudrière et de la Maison-Neuve. Au Chiron, les Bleus enferment dans une maison trois femmes et quatre enfants âgés de 3 à 9 ans, puis y mettent le feu. Les témoins du drame ont rapporté qu’on entendait les cris des suppliciés jusqu’à la Ménardière.

Les deux bandes se rejoignent ensuite à Chavagnes, déserté par ses habitants prévenus de leur approche. Les ordres sont respectés, le bourg est incendié, de même que le village voisin de l’Ulière, puis les Bleus se divisent à nouveau en deux bandes.

La première descend vers la Dédrie que les habitants ont abandonné. On ne relève qu’une victime. La bande poursuit vers le Cormier. Dans un champ, un Bleu aperçoit une jeune fille prénommée Jeanne, qui se sauve à toutes jambes. Il court vers elle, la rattrape et s’acharne sur elle de plusieurs coups de sabre avant de l’achever en l’égorgeant. Un vieillard de 70 ans, Jean Moreau, subit le même sort à la Martellière. Puis, à l’Angellerie, c’est au tour de Jacques Chauvet, 60 ans. Plus loin, aux Crépelières, une mère et sa fille, et un homme à l'Hopitaud.

Un exemple d'acte de sépulture dans le registre clandestin de Chavagnes, en date du 23 février 1794. A cette date, tous décès portent la mention « mort par les républiquains »
Pendant ce temps, l’autre bande a pris, depuis Chavagnes, la route de Saint-Fulgent. C’est là qu’eurent lieu les plus grands massacres de ce dimanche 23 février. Dans un champ près de la Bonnetière, les Bleus saisissent un homme. Croyant tenir un prêtre, ils lui arrachent la langue avant de l’achever. A la Morinière, les soldats tombent sur une cachette dans laquelle s’étaient réfugiés des femmes et des enfants, 32 au total, tous massacrés. Les tueries des Bleus se répètent de village en village : trois femmes et cinq petits enfants de 2 à 4 ans à la Cornuère, deux morts à la Bretaudière, deux autres au Rochais, etc. En tout, 58 victimes identifiées, dont 34 femmes et 16 enfants.

On peine à imaginer ce que fut ce jour de cauchemar, les coups de feu qui claquent dans la campagne, les cris des malheureux tombés aux mains des soldats républicains, mais aussi du bétail tué sur place ou brûlé vif dans les étables, la fumée des incendies qui noircit l’horizon… Lorsque les Bleus quittent enfin le pays de Chavagnes, le soir, les habitants sortent de leurs refuges pour aller sauver ce qui peut l’être encore. Le lendemain, des convois arrivent de partout au cimetière. Les 32 victimes de la Morinière sont entassées sur deux charrettes, et l’abbé Remaud est là qui, en pleurant, bénit l’immense fosse commune.

A consulter : Archives de la Vendée en ligne, état civil -> Chavagnes-en-Paillers -> état civil -> registre clandestin (sépultures) février 1793-juillet 1795

Jeudi 23 Février 2012
La rédaction
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