Philippe de Villiers, pourquoi un livre sur Charette ?
Philippe de Villiers
Parce que Charette est un héros méconnu. On connaît Charette terrien, Charette vendéen, on ne connaît pas le Charette breton, le Charette marin. J’ai donc multiplié les recherches pendant plusieurs années et j’ai moi-même découvert que la vie du Charette marin était d’une richesse en surprises relevant du plus haut romanesque.
Pourquoi maintenant ?
Parce que Charette me paraît être l’antidote à la folie thaumaturgique de la tentation révolutionnaire, immanente dans la médiacratie. Pour moi, Charette, c’est l’anti-Robespierre. Il incarne la Vendée martyre. Or la Vendée, c’est l’œil de Caïn de l’Histoire de France au sens où Robespierre déclare :
Mes chers collègues, nous sommes devant un terrible dilemme : ou bien la Vendée est déclarée coupable et alors, tout ce que nous avons fondé est légitime. Ou bien la Vendée est déclarée innocente. Alors pèsera sur chacun de nous et sur la Révolution toute entière pour la suite des temps, un terrible soupçon.
Mais pourquoi Charette est-il si méconnu ?
Je ne sais pas. J’ai du mal à croire que c’est le hasard. Peut-être est-ce tout simplement dû à la paresse des historiens du XIXe siècle qui se comportaient en moines copistes. Peut-être aussi parce qu’ils jugent que cette période était sans importance. Sans doute n’avaient-ils pas non plus accès aux documents que j’ai pu me procurer…
« Pour moi, Charette, c’est l’anti-Robespierre. »
Pourquoi maintenant ?
Parce que Charette me paraît être l’antidote à la folie thaumaturgique de la tentation révolutionnaire, immanente dans la médiacratie. Pour moi, Charette, c’est l’anti-Robespierre. Il incarne la Vendée martyre. Or la Vendée, c’est l’œil de Caïn de l’Histoire de France au sens où Robespierre déclare :
Mes chers collègues, nous sommes devant un terrible dilemme : ou bien la Vendée est déclarée coupable et alors, tout ce que nous avons fondé est légitime. Ou bien la Vendée est déclarée innocente. Alors pèsera sur chacun de nous et sur la Révolution toute entière pour la suite des temps, un terrible soupçon.
Mais pourquoi Charette est-il si méconnu ?
Je ne sais pas. J’ai du mal à croire que c’est le hasard. Peut-être est-ce tout simplement dû à la paresse des historiens du XIXe siècle qui se comportaient en moines copistes. Peut-être aussi parce qu’ils jugent que cette période était sans importance. Sans doute n’avaient-ils pas non plus accès aux documents que j’ai pu me procurer…
« Pour moi, Charette, c’est l’anti-Robespierre. »
Vous avez eu accès à des documents inédits ?
La capture du Général Charette, par Louis Joseph Watteau (1796)
Je suis entré dans des familles de Bretagne et de Vendée, on m’a ouvert des portes et des archives privées pour les refermer ensuite par crainte que l’âme de ces familles soit à nouveau salie et trahie. Le titre de mon livre est trompeur car Le Roman de Charette n’est pas un roman mais une histoire vraie : c’est la vie de Charette qui est un roman. C’est-à-dire une suite de trois vies successives qui mériteraient pour chacune d’entre elles un livre : le héros de la guerre d’Amérique, le marin du Levant entre les cotes barbaresques et les Dardanelles, le héros de la Vendée. Le panache de Charette flotte sur les grandes convulsions et fractures de son temps. Charette est plongé dans quatre mondes successifs : celui de la guerre d’Amérique, celui de la guerre russo-turque, celui de l’insurrection grecque (les Maïnotes qu’on appelle déjà les brigands), celui de l’armée des piques de maraîchins de Vendée. Ce qui veut dire que Charette incarne à lui seul un démenti cinglant aux billevesées sur les Vendéens arriérés, ignorants du monde extérieur et rétifs au Progrès donc hostiles à la Révolution. J’ai voulu, avec ce livre, changer la porte d’entrée sur la guerre de Vendée. Jusqu’à présent, on entre dans la forêt de Grasla, entre les mousses et les lichens ; on y rencontre des hirsutes accroupis mangeurs de glands avec des mœurs de taupes sous l’empire de l’obscurantisme qu’on appelle d’ailleurs les « ventre à choux » (ou « ventrachoux ») composant une horde finissante d’attardés retardés mentaux, inaccessibles à la nature brute de Jean-Jacques Rousseau, aux virginités originelles du bon sauvage et à l’esprit des Lumières qui porte à la régénération de l’humanité dégradée. Et puis, voici Charette ! La porte d’entrée n’est plus la même… On entre dans le port de Brest qui ouvre sur les mers du monde. Et voilà qu’on voyage avec la première marine du monde. Entre La Pérouse, Bougainville et La Motte Picquet. On croise à bord les botanistes et les inventeurs de l’hydrographie et de la cartographie modernes. Alors, on comprend que ces hirsutes ne sont pas des arriérés. Ce sont des officiers du Roi qui font avancer la science, qui croient que le Progrès matériel auquel ils contribuent est indissociable du Progrès moral et spirituel. Charette connaît le monde, le monde extérieur. Les Vendéens qui le suivent en ont aussi l’intuition. Il le connaît au point de ne pas croire à l’homme générique des démiurges terroristes. Il le dit très bien :
Les nouvelles autorités ont touché à la maison en son cœur, c’est-à-dire sous la poutre maîtresse, à la petite demeure invisible, immémoriale, inviolable et sacrée, où se nouent la coutume, la Parole, les visages oubliés, les croyances ancestrales.
Les hommes qui se lèvent dans la forêt de Grasla ont 1 000 ans. Ils ont derrière eux 1 000 ans de civilisation. Ils veulent sauver ce qu’ils appellent : « la foi de nos pères ».
Il n’y a donc pas, d’un côté, les progressistes, coupeurs de têtes par nécessité, et de l’autre, les arriérés des chemins creux courant derrière des ostensoirs en carton, mais bien plutôt les criminels contre l’humanité capables de génocides et les victimes expiatoires de la fameuse régénération de la table rase.
« Tous ceux qui ont voulu régénérer l’humanité hors le mystère de l’Incarnation ont commencé comme des jolis cœurs et ont fini comme des monstres, hors du réel, désincarnés. »
Les nouvelles autorités ont touché à la maison en son cœur, c’est-à-dire sous la poutre maîtresse, à la petite demeure invisible, immémoriale, inviolable et sacrée, où se nouent la coutume, la Parole, les visages oubliés, les croyances ancestrales.
Les hommes qui se lèvent dans la forêt de Grasla ont 1 000 ans. Ils ont derrière eux 1 000 ans de civilisation. Ils veulent sauver ce qu’ils appellent : « la foi de nos pères ».
Il n’y a donc pas, d’un côté, les progressistes, coupeurs de têtes par nécessité, et de l’autre, les arriérés des chemins creux courant derrière des ostensoirs en carton, mais bien plutôt les criminels contre l’humanité capables de génocides et les victimes expiatoires de la fameuse régénération de la table rase.
« Tous ceux qui ont voulu régénérer l’humanité hors le mystère de l’Incarnation ont commencé comme des jolis cœurs et ont fini comme des monstres, hors du réel, désincarnés. »
Philippe de Villiers, pourquoi un jeune de 25 ans devrait-il aujourd’hui acheter votre livre, Le Roman de Charette ?
Ce livre est un voyage. Par les temps qui courent, le voyage est un dépaysement salvateur. D’abord, Le Roman de Charette est un voyage dans l’Histoire. C’est avant tout un livre d’Histoire. Il décrit la grande période de la grande fracture depuis la guerre d’Amérique jusqu’à la Révolution terroriste qui servira de matrice à Lénine, selon les mots du grand Soljenitsyne. Ce livre est une tranche de vie, la vie de Charette, et il ne raconte pas que Charette à travers Athanase : c’est toute la France qui défile, toutes ses grandeurs, et aussi ses béances, la France des grands élans, la France de l’abîme. Mon livre porte en filigrane tout le mécanisme révolutionnaire. On part de la liberté américaine, une liberté concrète, et on la voit se transmuer en une liberté abstraite qui emprisonne la mémoire dans une temporalité close, ce qui est la définition même de l’univers totalitaire, puisque c’est au nom de la Liberté, avec un grand « L », que l’on fait tomber les têtes comme une pluie d’ardoises. Tous ceux qui ont voulu régénérer l’humanité hors le mystère de l’Incarnation ont commencé comme des jolis cœurs et ont fini comme des monstres, hors du réel, désincarnés. Donc il s’agit d’un voyage dans l’Histoire.
Le Roman de Charette est aussi un voyage dans le monde, un monde qui s’ouvre, celui de la fin du XVIIIe siècle. On y voit à l’œuvre les grandes secousses sismiques qui préparent le monde d’aujourd’hui : l’émergence de l’Amérique, la guerre des Barbaresques, les convoitises russes dans les mers chaudes (Bosphore, etc.), l’insurrection grecque, la Révolution française…
Enfin, Le Roman de Charette est un voyage en soi-même. La vie de Charette est fascinante, elle invite à un retour sur soi. Son élégance, son panache et cette façon unique de voir le soleil et la mort se regarder fixement invitent à une plongée en soi-même aux limites de la métapolitique et de la métaphysique. Quand le sublime est aux portes de l’enfer…
« L’élégance, le panache de Charette et cette façon unique de voir le soleil et la mort se regarder fixement invitent à une plongée en soi-même aux limites de la métapolitique et de la métaphysique. »
Le Roman de Charette est aussi un voyage dans le monde, un monde qui s’ouvre, celui de la fin du XVIIIe siècle. On y voit à l’œuvre les grandes secousses sismiques qui préparent le monde d’aujourd’hui : l’émergence de l’Amérique, la guerre des Barbaresques, les convoitises russes dans les mers chaudes (Bosphore, etc.), l’insurrection grecque, la Révolution française…
Enfin, Le Roman de Charette est un voyage en soi-même. La vie de Charette est fascinante, elle invite à un retour sur soi. Son élégance, son panache et cette façon unique de voir le soleil et la mort se regarder fixement invitent à une plongée en soi-même aux limites de la métapolitique et de la métaphysique. Quand le sublime est aux portes de l’enfer…
« L’élégance, le panache de Charette et cette façon unique de voir le soleil et la mort se regarder fixement invitent à une plongée en soi-même aux limites de la métapolitique et de la métaphysique. »
Quels sont maintenant vos projets ?
Mel Gibson en 1995 dans Braveheart
J’ai écrit ce livre comme un scénario. Mon éditeur, Albin Michel, a eu l’intelligence de le traduire en anglais. Le livre est parti à Hollywood. Il est entre les mains de Randall Wallace, le scénariste de Braveheart (1995), que j’ai rencontré à Los Angeles avec le compositeur de la musique du Puy du Fou, Nick Glennie-Smith lorsque nous avons reçu l’Oscar du plus beau parc du monde en mars 2012. D’autres scénaristes travaillent en France sur mon livre dont l’un des meilleurs, Olivier Dazat, le scénariste d’Himalaya, l’enfance d’un chef (1999).
Peut-être est-il encore trop tôt pour qu’en France, un producteur prenne la liberté de faire un film sur Charette et la Vendée. L’Histoire officielle n’accepte pas encore qu’on se passe, même sous le manteau, un samizdat de la dissidence. Les producteurs font encore chaque jour la génuflexion oblique du dévot pressé devant le veau d’or. On leur impose de tourner comme des derviches tourneurs jusqu’au vertige autour de l’Arc de triomphe, place de l’Étoile, sur lequel est inscrit le nom du Général Turreau, chef des colonnes infernales et de l’extermination de la « race impure », c’est-à-dire le peuple vendéen. C’est comme si le nom du Général Lammerding était inscrit sur les murs d’Oradour-sur-Glane. En France, l’épigraphie commande le périmètre des libertés. En France, aujourd’hui, en matière d’images, l’épigraphie officielle qui encense les bourreaux, délimite le périmètre de la liberté créatrice. Charette a conquis sa gloire aux États-Unis en se battant là-bas pour la Liberté. Peut-être que la liberté de l’image reviendra des États-Unis… Ce serait un juste retour des choses, pour l’un des plus glorieux membres de l’ordre créé par George Washington, celui de la Société de Cincinnati.
Lire la suite sur Nouvelles de France
Peut-être est-il encore trop tôt pour qu’en France, un producteur prenne la liberté de faire un film sur Charette et la Vendée. L’Histoire officielle n’accepte pas encore qu’on se passe, même sous le manteau, un samizdat de la dissidence. Les producteurs font encore chaque jour la génuflexion oblique du dévot pressé devant le veau d’or. On leur impose de tourner comme des derviches tourneurs jusqu’au vertige autour de l’Arc de triomphe, place de l’Étoile, sur lequel est inscrit le nom du Général Turreau, chef des colonnes infernales et de l’extermination de la « race impure », c’est-à-dire le peuple vendéen. C’est comme si le nom du Général Lammerding était inscrit sur les murs d’Oradour-sur-Glane. En France, l’épigraphie commande le périmètre des libertés. En France, aujourd’hui, en matière d’images, l’épigraphie officielle qui encense les bourreaux, délimite le périmètre de la liberté créatrice. Charette a conquis sa gloire aux États-Unis en se battant là-bas pour la Liberté. Peut-être que la liberté de l’image reviendra des États-Unis… Ce serait un juste retour des choses, pour l’un des plus glorieux membres de l’ordre créé par George Washington, celui de la Société de Cincinnati.
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Rappel des livres : Charette 1763-1796 par Théodore Muret
Dans le Marais du Bas-Poitou, dans le Pays de Retz et le Comté nantais, comme dans l’Anjou, le décret du 24 février 1793 pour la levée de trois cent mille hommes, fit éclater le mouvement qui n’attendait plus qu’un signal, tant les esprits étaient exaspérés par les crimes des révolutionnaires et par l’exécrable tyrannie habillée du beau nom de liberté. En même temps que Cathelineau se levait dans les Mauges, les campagnes s’insurgèrent aux environs de Challans et de Machecoul. Cette dernière ville fut prise, mais les insurgés n’avaient encore aucun chef capable de les commander, et ils vinrent, au bout de quelques jours, prier Charette de se mettre à leur tête.
Nouvelle édition
110 pages, 14,5 x 20,5
Nouvelle édition
110 pages, 14,5 x 20,5