La mort de La Rochejaquelein par Alexandre Bloch
Le 27 janvier, les Bleus sortirent de Cholet et poussèrent une reconnaissance jusqu’aux landes de Genty. N’ayant rencontré aucun homme sous les armes, ils se retirèrent […] Pour ne pas rendre leur course tout à fait inutile, ils se proposèrent d’aller, le lendemain, incendier le bourg de Nuaillé. La Rochejaquelein, prévenu à temps de leur dessein, sortit avec quatre cents hommes, de la forêt de Vezins, et vint bivouaquer, le soir même du 27, dans un petit bois taillis de la métairie de la Vallonnerie, situé à un kilomètre au-delà du bourg susdit, et à gauche de la grande route qui mène à Cholet. Son dessein était de tomber sur les derrières et le flanc de l’ennemi, dès qu’il le verrait apparaître.
Le cénotaphe de La Rochejaquelein sur la route de Cholet à Nuaillé
Le 28, de grand matin, quatre cents Bleus ignorant son embuscade, vinrent se heurter contre son bivouac. Au premier cri du factionnaire, il est en selle et, après une fusillade de trois quarts d’heure, il les met en déroute, les poursuit avec ardeur et se trouve bientôt à l’extrême droite de sa colonne, suivi seulement de quinze fantassins. Arrivé au pré de la métairie de la Brissonnière, sur le bord de la route de Nuaillé à Cholet, il aperçoit, à cent mètres environ de lui, un grenadier d’une taille gigantesque qui fuit à toutes jambes : « Arrête, grenadier, lui crie-t-il, tu n’auras pas de mal. » Le grenadier s’arrête, fait demi-tour, et, abaissant son arme, il marche à l’encontre de La Rochejaquelein. Henri s’avance pour le désarmer. Les regards farouches et menaçants du grenadier effraient les quinze royalistes qui suivent leur général : « Monsieur Henri, lui crient-ils, défiez-vous, il va vous tuer. – Mais non, répond le jeune héros, il se rend, » et il continue de s’approcher du Bleu qui vient à lui. « Général, général, crient encore plus fort les royalistes dont la frayeur redouble, il va vous tuer. – Mais non, encore une fois, leur répond-il, il se rend. » Le grenadier, qui n’est plus qu’à quelques pas de La Rochejaquelein, relève son fusil, fait feu et lui fracasse le front.
Carte des lieux cités par Deniau
Vitrail de La Rochejaquelein, église du Pin-en-Mauges
En voyant tomber leur général, dix royalistes volent à son secours, et les cinq autres courent après le meurtrier ; Jacques Bouchet est du nombre de ces derniers. La fureur les transporte, mais le grenadier fuit avec une telle rapidité, qu’ils ont peur, un instant, de le voir échapper à leur vengeance. Cependant, le grenadier, bientôt essoufflé, se blottit derrière un gros chêne, à deux cents mètres du meurtre, et, de là, il décharge cinq fois son fusil sur Jacques Bouchet et ses quatre camarades. Il n’en atteint aucun. Les cinq royalistes l’entourent ; l’un d’eux lui assène un violent coup de sabre sur la tête et le terrasse, pendant que les autres l’achèvent avec leurs baïonnettes. Le jeune héros était vengé ; mais le sang de son meurtrier ne réparait pas la perte que venait de faire la cause royale […]
A peine ceux qui accoururent au secours de La Rochejaquelein eurent-ils constaté sa mort, qu’ils s’empressèrent, pour le dérober aux regards de leurs camarades que cette perte pouvait décourager, de le porter un peu à l’écart. Quand Jacques Bouchet revint sur ses pas pour pleurer auprès du cadavre de son général, ils l’avaient déjà enlevé du lieu où il était tombé. Comme ils n’avaient aucun instrument pour creuser une fosse, l’un d’eux courut en chercher à la Boulinière, métairie écartée dans les terres à la distance d’un kilomètre, et ils chargèrent le fermier, nommé Girard, de faire lui-même l’inhumation, remettant à des jours meilleurs le soin de lui rendre les honneurs qu’il méritait. Girard enterra d’abord le général dans le pré de la Brissonnière, à l’endroit où on l’avait transporté ; mais, un instant après, réfléchissant que les républicains pouvaient venir l’exhumer et insulter son cadavre, il le déterra, et alla le déposer dans une seconde fosse qu’il fit au milieu d’une haie voisine. Ne le voyant pas encore assez en sûreté dans ce nouvel endroit, il l’en retira aussitôt et le transporta à deux cents mètres plus loin, au-delà de la Haie de Bureau, dans un petit pré, sous un pommier, à quelques pas du lieu où le grenadier républicain avait été sabré par Bouchet et ses camarades. Il enferma le général et son meurtrier dans une même fosse, afin que, si les Bleus venaient à l’ouvrir, la vue de l’uniforme républicain arrêtât leurs investigations.
Histoire de la Vendée d’après des documents nouveaux, par Félix Deniau, t.IV, pp. 209-214.
A peine ceux qui accoururent au secours de La Rochejaquelein eurent-ils constaté sa mort, qu’ils s’empressèrent, pour le dérober aux regards de leurs camarades que cette perte pouvait décourager, de le porter un peu à l’écart. Quand Jacques Bouchet revint sur ses pas pour pleurer auprès du cadavre de son général, ils l’avaient déjà enlevé du lieu où il était tombé. Comme ils n’avaient aucun instrument pour creuser une fosse, l’un d’eux courut en chercher à la Boulinière, métairie écartée dans les terres à la distance d’un kilomètre, et ils chargèrent le fermier, nommé Girard, de faire lui-même l’inhumation, remettant à des jours meilleurs le soin de lui rendre les honneurs qu’il méritait. Girard enterra d’abord le général dans le pré de la Brissonnière, à l’endroit où on l’avait transporté ; mais, un instant après, réfléchissant que les républicains pouvaient venir l’exhumer et insulter son cadavre, il le déterra, et alla le déposer dans une seconde fosse qu’il fit au milieu d’une haie voisine. Ne le voyant pas encore assez en sûreté dans ce nouvel endroit, il l’en retira aussitôt et le transporta à deux cents mètres plus loin, au-delà de la Haie de Bureau, dans un petit pré, sous un pommier, à quelques pas du lieu où le grenadier républicain avait été sabré par Bouchet et ses camarades. Il enferma le général et son meurtrier dans une même fosse, afin que, si les Bleus venaient à l’ouvrir, la vue de l’uniforme républicain arrêtât leurs investigations.
Histoire de la Vendée d’après des documents nouveaux, par Félix Deniau, t.IV, pp. 209-214.